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arrow-right-purple-clip-art_p Lien vers l’émission la maison des maternelles

 

 

 

Sophie a 2 enfants, et comme beaucoup de femmes qui n’osent pas forcément en parler, elle a très mal vécu les mois qui ont suivi la naissance de son aîné. La dépression du post-partum est un sujet encore tabou aujourd’hui, difficile d’avouer que l’on se sent incapable de s’occuper de son bébé. Elle s’est inspirée de cette expérience douloureuse pour écrire « La Remplaçante », un récit de reconstruction et de résilience.  Puis Rachel Halimi, sage-femme libérale à Paris, répond aux questions des internautes !

LDM-Qu’appelle-t’on le post-partum ? 

 

Le post-partum est cette période charnière dans notre vie de femme qui commence juste à la naissance de votre enfant et dont la durée est propre à chaque femme. C’est minimum 40 jours mais cette expérience singulière reste individuelle. À chacune son post-partum !  Pour certaines femmes, cela peut durer 6 mois, 1an. On parle également de suites de couche ou de quatrième trimestre de la grossesse pour qualifier ce temps durant laquelle la jeune mère va vivre des transformations identitaires, psychiques et corporelles profondes.

 

 

LDM-Quelle est la différence entre la dépression du post-partum et le baby-blues ? 

 

La dépression du post-partum est souvent confondue à tort avec le baby-blues alors que ce sont deux états psychologiques totalement différents.
  • Le baby blues est souvent redouté par les femmes alors que c’est un état tout à fait normal et très fréquent lié à la fameuse « chute hormonale ». Il concerne l’immense majorité des femmes qui ont accouché (environ 80 % des jeunes mères).

  • . La mère va vivre une sorte de « mini déprime » transitoire. Il est important de souligner que ce mal être ne s’installe pas sur la durée. Cette période de fluctuations hormonales et émotionnelles est un état passager qui ne dure pas plus de 15 jours (grand maximum 3 semaines). Et il survient tôt après l’accouchement, entre 2 jours à 3 semaines.

La femme va vivre les montagnes russes émotionnelles. Traversée par une grande labilité émotionnelle, elle passe du rire aux larmes en une minute dans la même conversation. Elle se pose des milliards de questions et doute de ses compétences. Vous allez alors être traversées par des sentiments ambivalents et des émotions contradictoires.

Cette véritable crise identitaire comparée à la crise d’adolescence serait une étape saine dans le devenir mère. Cet état n’est donc en rien pathologique.

  • La dépression du post-partum (DPP) est bien une pathologie, malheureusement trop méconnue alors que c’est un véritable problème de santé publique puisqu’il concerne 10 à 30 % des femmes en France selon les études.

     

     

    La dépression post-partum reste une maladie tabou, largement sous diagnostiquée ou mal diagnostiquée. L’idéalisation de la maternité entraine probablement un déni collectif et contagieux de ce mal être par l’entourage et les soignants.

Dans l’imaginaire collectif, la période qui suit l’arrivée d’un bébé (le « post-partum ») est censée être forcément un moment de bonheur absolu. Les jeunes mères en souffrance et pétries de culpabilité n’osent pas parler de leurs difficultés et s’isolent par peur d’être jugées comme de « mauvaises mères ». Il est important de leur rappeler qu’il n’y a aucune honte à verbaliser des idées négatives et à demander de l’aide. Exprimer ses maux par des mots est essentiel pour rompre la spirale vicieuse et mortifère de cette maladie. En effet, la DPP se soigne très bien. Si elle est prise en charge précocement, elle n’aura pas de conséquences graves sur la santé de la mère et de son bébé. L’enjeu majeur est donc de ne pas perdre de temps pour dépister cette pathologie. Tous les professionnels de santé de la périnatalité ainsi que l’entourage des jeunes mères doivent donc être extrêmement vigilants. Sans traitement, la DPP peut avoir des répercussions graves sur le développement de l’enfant et peut entraver l’établissement du lien mère-enfant.

 

  • Bercée depuis leur tendre enfance par les clichées de la « sacro-sainte maternité idéalisée », le manque d’informations sur la réalité du post-partum dessert les femmes. En effet, elles vont se sentir anormales et en souffrance lorsqu’elles vont traverser les difficultés normales et courantes du post-partum sans y avoir été préparées. La forte pression sociale exige que la maternité soit une expérience heureuse et si ce n’est pas le cas, la femme va éprouver un sentiment de honte et de culpabilité.

 

  • La DPP associe les symptômes d’une dépression classique – idées noires voire suicidaires, anxiété profonde, fatigue extrême, insomnies, troubles alimentaires – à d’autres symptômes spécifiques au post-partum : difficulté à faire le lien avec son bébé, à s’y attacher, l’impression d’être une mauvaise mère, sentiment d’incompétence maternelle ou d’immense culpabilité.  Si certaines vont se désintéresser de leur enfant, d’autres seront dans une fusion extrême, tout en ayant le sentiment de ne jamais en faire assez.

 

  • Le pic de fréquence de la DPP survient à 2-4 mois, et un autre à six mois après l’accouchement. Cela peut correspondre à la fin de l’allaitement, mais aussi à la reprise professionnelle. C’est également l’accumulation du manque de sommeil. Une forme de pression sociétale nous fait croire que c’est le moment où l’on est censée être de nouveau en forme, refaire l’amour, reprendre le travail alors que les jeunes mères sont encore extrêmement fatiguées et vulnérables 3 mois après l’accouchement. La durée trop courte du congé maternité est un véritable problème car les femmes n’ont clairement pas eu le temps de se remettre de cette expérience intense et bouleversante de la grossesse et de l’accouchement en 2 mois et demi.

 

LDM-Peut-on se préparer au post-partum et est ce qu’il y’a des moyens de prévenir la DPP ?

 

 

Il y’a de nombreux moyens de prévenir la DPP et malheureusement, en France, les jeunes mères sont très souvent isolées et elles ne reçoivent que trop peu d’aides. On attend que cette pathologie s’installe au lieu de la prévenir.

 

  • Il est important que les femmes enceintes ainsi que leurs conjoints reçoivent une information sur les difficultés courantes et normales du post-partum, notamment lors des séances de préparation à la naissance et à la parentalité. Pendant la grossesse, une séance devrait être dédiée à cette thématique.
  • Prenez soin de votre corps endolori et fatigué ( qui vient de vivre l’expérience intense voire traumatique de la grossesse et de l’accouchement). Un repos complet du corps et de l’esprit est nécessaire pendant au moins les 40 jours qui suivent la naissance de bébé. Faites vous offrir des massages et des soins du corps. N’hésitez pas à faire une séance d’ostéopathie, un spa ou à réaliser de la rééducation dorso-lombaire avec un kinésithérapeute… La rééducation périnéale puis abdominale va également permettre de re-consolider l’enveloppe corporelle de la femme fragilisée.
  • Libérez-vous de toute charge mentale et physique pendant au moins 40 jours (et si possible 3 mois). Déléguez les courses, les taches ménagères, la cuisine…. Osez demander de l’aide pendant ce temps de convalescence.
  • N’oubliez pas que vous êtes une équipe avec le papa dès les premiers jours de vie de bébé. J’invite le papa à prendre son congé paternité dès le premier mois de vie du bébé et à rester dormir lors du séjour à la maternité. Et idéalement, le papa devrait se rendre disponible le plus possible les 101 premiers jours de vie de bébé. Les heures en fin de journée sont souvent les plus éprouvantes pour les mamans confrontées à la fatigue du soir et les pleurs de décharge de bébé. Le papa doit donc dans la mesure du possible essayer de ne pas rentrer trop tard du travail pour l’épauler.
  • N’oubliez pas vos propres besoins primaires : manger et dormir. Vous êtes en miroir avec votre bébé. Plus vous prenez soin de vous, plus vous prendrez soin de votre bébé. Économisez-vous au jour le jour car c’est un CDI qui vous attend avec bébé. Le besoin primaire le plus vital est le sommeil. Je vous conseille donc vivement dès le début de prendre la bonne habitude de confier le bébé quelques heures au papa ou à une personne de confiance pour dormir ou vous reposer lors de ces pauses récupératrices. 
  • Déculpabilisez-vous. La mère parfaite n’existe pas ! Il ne faut donc pas être trop exigeante avec vous même. N’ayez aucune honte à verbaliser vos difficultés à votre entourage et aux soignants. N’hésitez pas à consulter un psychologue ou solliciter des associations comme « maman blues » qui pourront vous aider si vous vous sentez en souffrance. 

 

Aujourd’hui, le mal être des femmes en post-partum commence à être pris en compte car la parole des femmes se libère grâce aux informations diffusées sur les réseaux sociaux ou les récents podcasts sur ce sujet.

 

Il est temps de prévenir la DPP en prenant soin des femmes après leur accouchement. Beaucoup de femmes regrettent le décalage entre le suivi intense et très médicalisé pendant leur grossesse et celui, quasi inexistant du post-partum. L’allongement du congé maternité, la mise en place de séances de groupe de parole dans le post-partum, la mise en place d’aides à domicile pour le ménage et les courses, des séances de kinésithérapie pour reconsolider le corps… Il est temps d’envisager des actions concrètes afin de prévenir ce mal être féminin encore très tabou.

 

Un magnifique proverbe dit : « il faut tout un village pour élever un enfant » et en miroir, il faut également tout un village pour pendre soin de la jeune mère « sacrée » qui devrait être nourrie, valorisée, choyée. Si toute l’attention n’est centrée que sur l’enfant, on risque de passer à coté des problèmes de santé mentale chez la mère.